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21 Mar

Retour au bercail

Publié par Blacjac

Cinq mois jours pour jour après mon arrivée, je me trouve à nouveau dans l’aéroport de Chennai, pour prendre l’avion dans l’autre sens. Je suis arrivé au lever du jour et je repars la nuit ; en somme je n’ai passé qu’une journée sur place. Une dernière galère était bien entendu indispensable, une manière indienne de dire « au revoir ». Mon vol était prévu à 20h15, je devais partir à 16h pour l’aéroport, le trajet de l’IIT est sensé durer 20 minutes grand maximum. Le taxi est arrivé avec une bonne heure de retard, et le trajet a pris bien deux heures. Il fallait anticiper la visite d’un ministre indien dans la capitale du Tamil Nadu. La police a entièrement réorganisé la circulation pour l’occasion, à l’indienne. Ajoutons à cela la bonne volonté du chauffeur qui a voulu prendre un raccourci qui rallongeait le parcours d’une bonne dizaine de kilomètres, ainsi que la mauvaise foi du Stewart au sol qui m’affirmait que rien n’était possible, que si j’étais arrivé cinq minutes plus tôt il aurait pu envisager de nous aider, nous les cinq retardataires.

Donc oui, j’ai raté l’avion. Cela aura été l’occasion de passer un peu plus de temps en compagnie indienne et d’apprécier une nouvelle fois leur total dévouement envers les étrangers perdus dans l’aéroport, ne sachant que faire. J’ai finalement pris un autre avion qui partait à 4h30. Étrangement, cette nuit à l’aéroport fut loin d’être la plus désagréable.

Le choc du retour ?

Me vient à l'esprit ma dernière soirée indienne, Georg une des dernières tête connue sur le campus avait décidé de célébrer mon départ par une compétition d'amla juice. Georg est l'étudiant étranger qui a le plus d'expérience en Inde, il y finissait sa troisième année et avait eu le temps d'apprendre l'hindi parfaitement. Il était rentré quelquefois en Allemagne et me racontait que l'Inde laisse forcément des traces. Si on n'a pas de choc en arrivant dans le pays de Gandhi, alors le retour au bercail est violent.

Cela fait trois mois jour pour jour que je suis rentré en France, trois mois que ce blog n'a pas vu de nouvel article. La raison de ce retard ne vient pas d'une mauvaise habitude que j'aurais prise en Inde, mais d'une volonté de prendre du recul. Je n'ai pas eu de choc violent en arrivant en Inde, j'ai donc attendu ce fameux retour de bâton dont parlait Georg.

Après un trimestre entier en France mes liens avec l'Inde s'amenuisent, le cury redevient un bête sauce jaune, le chai est remplacé par le thé, mon accent français so cute a pris le dessus sur ma prononciation indienne, les gros pulls ne me semblent plus si lourds... Je garde bien entendu quelques précieux contacts Indiens, même si nos conversations ne sont plus aussi fréquentes qu'elles n'ont pu l'être. J'ai pu partager mes expériences avec mes proches, raconter mes aventures à qui voulait les entendre. Je pense avoir maintenant le recul nécessaire pour dresser une petite conclusion sur mon séjour.

Le choc de Georg n'a pas pointé le bout de son nez, seule l'adaptation aux conditions climatiques françaises a représenté une difficulté majeur. Il y a aussi, il faut le dire, la réaction de ceux à qui je raconte ce séjour. Je suis toujours amoureux de l'Inde et je veux transmettre cette fascination à mes interlocuteurs, ou du moins, je cherche à attiser leur curiosité. Malheureusement, bien souvent, je produit l'effet inverse, les réactions sont trop souvent les mêmes « ah non, mais ça je ne pourrais pas », « Pour vivre en Inde, il faut avoir le cœur bien accroché », « Le système Indien est horrible » « moi, rien qu'a cause de la nourriture épicée je ne pourrai pas »... J'ai d'abord cru que je racontais mal mes histoires ou que je choisissais les mauvaises. Mais rien n'y a fait ; quelle que soit l'anecdote, quel que soit le temps que j'y passe, l'effet est le même. Ce qui est édifiant, c'est, sans rien raconter, de laisser parler mon interlocuteur. Et par les questions qu'il me pose, il devient évident que tout est déjà joué. " Le système des castes n'est-il pas inhumain ?", " La pauvreté extrême, n'est-ce pas choquant ?" , "n'est-ce pas trop dangeureux pour les filles là-bas?" . Les préjugés, les gros titres des médias ont déjà fait tout le travail. C'est terrible de se sentir aussi impuissant, de savoir que l'Inde est un pays qui tient de la magie, dont les qualités ruissellent mais d'être incapable de briser cette loupe médiatique qui se focalise sur le point noir indien et occulte les plus beaux aspects.

Je finirai cet article en te remerciant, toi lectrice ou lecteur, régulier ou occasionnel. Merci de m'avoir lu, en guise de gratification je publierai peut-être quelques articles bonus dans les prochains jours, histoire de présenter un peu le cinéma local et la gastronomie indienne.

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