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12 Dec

Varanassi, doyenne de l'humanité

Publié par Blacjac

Haut lieu de spiritualité hindoue, Varanasi est une destination incontournable pour tous les touristes en quête de déphasage et d’autres dimensions. On ne quitte pas Varanasi indemne, paraît-il. De fait, les mythes qui encensent l’histoire de Varanasi sont à glacer le sang. Les pieds dans le Gange, la ville est le seul endroit qui permette aux hindous de quitter le cycle des réincarnations et de libérer leur âme pour de bon. La tradition veut que le defunt y soit brulé sur la rive du fleuve sacré et que ses restes, soient répandus dans l’eau. La misère n’ayant pas les moyens d’incinérer ses défunts dans les règles de l’art, il n’était pas rare de voir des corps ou des membres à peine consumés par les flammes flotter tels des barques en aval de Varanasi. Toujours selon la tradition, à la mort d’un homme, sa femme doit être incinérée à ses côtés. Qu’elle soit encore vivante n’était bien entendu pas une excuse, et il était mieux vu que la veuve se jette d’elle-même dans les flammes, dans le cas contraire, la force était employée.

Ces histoires avaient joué leur rôle dans mon attrait pour Varanasi. Non pas pour l’aspect morbide des rituels, mais plus pour la ferveur qui doit régner parmi les habitants de la ville Indienne qui attire le plus de pèlerins. Les témoignages de mes amis qui en revenaient allaient tous dans ce sens. Il y a quelque chose à Varanasi, une atmosphère peut-être, une extrême pauvreté surement. Un quelque chose, ou plutôt un je-ne-sais-quoi qui fait qu’il y a un avant et un après Varanassi. Apparemment non, on ne quitte pas Varanasi indemne.

 

La ville en impose d’entrée de jeu, sur la rive droite du fleuve divin, la cité aux milles années est drapée d’un manteau de brume à la mode des stations portuaires. Ses ruelles étroites et pavées sont de véritables labyrinthes, elles se perdent entre les restaurants aux noms identiques et marchands de soies pour déboucher sur les Ghâts au bord du Gange. C’est sur ces escaliers qu’ont lieu les rituels d’incinérations au passé si sordide, mais à présent relativement bien gérés. Plus d’atrocités aujourd’hui, simplement un recueillement auprès des morts. Et comme c’est l’Inde, quelques truands viennent implorer votre pitié pour quelques roupies, des hommes jouent de l’argent aux cartes derrière la flamme éternelle de Shiva, et certains proposent aux touristes un accès rapide au monde des esprits via de la Ganga ou d’autres herbes. En réalité, peu de ferveur, mais un grand commerce. Trop touristique ? Probablement.

 

Pour Diwali, la ville s'était drappée de lumières qui sublimaient les rituels quotidiens

Pour Diwali, la ville s'était drappée de lumières qui sublimaient les rituels quotidiens

 

Sur le toit d’un des innombrables hôtels au bord du fleuve se trouve un restaurant  où Aude, Antoine et moi avions décidé de dîner. Comme souvent dans les lieux recommandés par le routard, un groupe de Français s’y trouvait. Ils étaient de ceux que l’on imagine quand on cherche à se représenter les bobos parisiens. Rien d'étonnant, les prix sont relativement haut, et le service de qualité. A peine sommes-nous servis que je sens un gène au niveau de ma cheville, un moustique que je tente d’écarter avec ma main. S’en est suivi un lot d’injure bien françaises que je censurerais ainsi : « Ciel ! Pétard de plâtrée de nouille ! Ca fait sacrément mal cette saperlipopetterie ! » Ce que j’avais pris pour un moustique était en réalité un frelon d’Asie, qui, se sentant menacé, avait décidé de planter sont dard dans mon doigt et ma cheville. Une brulure chimique et des élancements permanant s’emparaient de mon bras et de ma jambe, je sentais parfaitement le venin se rependre autour de mes piqures, la douleur était à la limite du supportable. Heureusement j’étais bien entouré. Dans un élan de compassion pour la chochotte qui s’agitait devant lui, le serveur nous avait donné un couteau de cantine émoussé pour nous aider à sortir le dard… J’avais mal à me taper la tête sur la table, Aude vérifiait mon pouls pour s’assurer qu’aucune complication ne se profilait, quand soudain, l’espoir naquit. Le groupe d’à côté vint à mon secours :

« Vous parlez Français ? » Au vu des quelques mots doux que je venais de proférer, il était évident que non…

« Parce que nous avons exactement ce qu’il vous faut ». L’espoir avait fini de naître, c’était maintenant un beau bébé, un grand garçon même, si grand qu’il dépassait de très loin la cime des plus hauts arbres de la forêt amazonienne.

« C’est de la cristalo-thérapie… ». L’espoir nous fit une Benjamin Button en vitesse rapide. Voyant le regard inquisiteur d’Aude, la porte-parole du groupe s’est sentie obligée de préciser :

« C’est pour soigner avec des cailloux. » Le fameux silence assourdissant s’installa, finalement brisé par le scepticisme d’Aude :

« Vous n’auriez pas un couteau qui coupe plutôt ? ». L’enfer, c’est de vouloir rire quand on souffre le martyr…

 

Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité
Varanassi, doyenne de l'humanité

Finalement, l’authenticité de Varanassi réside dans son architecture. La vielle ville vaut vraiment le détour, les rues sont entièrement piétonnes et étriquées et se transforment en escaliers pour les forts dénivelés. Le tout n’est pas sans rappeler le Mont-Saint-Michel, ce qui détonne clairement avec le reste du pays. Ce qui nous a probablement manqué pour apprécié l’aspect spirituel du lieu saint, c’est un ami Indien qui nous fasse ressentir l’atmosphère, en nous expliquant ce que signifiait vraiment cette ville pour lui. L’état d’esprit n’y était donc pas, je suis pour ma part, passé un peu à côté de cette ville dont la réputation me semble un peu surfaite, mais qui vaut clairement la peine d'être visitée.

 

A la réflexion, il y a bien eu un changement à Varanassi. Une prise de conscience en fait. Après avoir visité les lieux de crémation, Aude nous a demandé si nous n’avions rien remarqué de particulier, de choquant. S’agissant de son premier voyage en Inde, je cherchais dans les anecdotes qui amusent les néophytes, les vaches dans les ruelles ou celles qui se baignent au lieux de crémations par exemple, de voir des Brahmanes pauvres et des Shudras riches peut-être. Mais non, ni Antoine, ni moi n’avions trouvé ce qu’il y avait de si choquant. « Il n’y a pas de femmes au cérémonies de crémations ».

Nous sommes impardonnables, parce que l’habitude du sexisme de la société ou de la religion ne justifie pas que nous ne le remarquions plus quand il est présent. Et il est bel est bien présent, et même assez violent, puisqu’il interdit aux femmes de faire un dernier adieu aux membres de leurs familles.

Je m’efforce de ne pas juger la société Indienne, certaines pratiques sont choquantes pour des yeux occidentaux, mais ce n’est pas pour autant que nous pouvons nous poser en donneurs de leçons. Les Indiens apprennent de leurs erreurs, l’Etat a par exemple monté un refuge offert aux veuves, pour compenser les atrocités commises envers elles par le passé. Je n’ai pas souvenir que la France ait fait le moindre geste vis-à-vis des femmes qu’elle a brulé pour sorcellerie. Ne pas juger, est une chose, ne pas être choqué est compréhensible. Mais ne pas voir est une faute, et c'est pour cela, Aude que je te remercie. Merci d’avoir ré-ouvert mes yeux.

A nouveau, un grand merci à Antoine pour les photos de cet articles, et à Aude pour ce dernier cliché

A nouveau, un grand merci à Antoine pour les photos de cet articles, et à Aude pour ce dernier cliché

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